L’hôpital Saint Jean de Dieu de Lyon a été créé en 1824 par un petit groupe d’hommes animés par le désir de s’engager auprès des « pauvres malades« , menés par Xavier Tissot (frère Hilarion) et Paul de Magallon (frère Jean de Dieu). Cette jeune communauté de fervents catholiques fait alors renaître en France un ordre religieux encore bien vivant ailleurs dans le monde : l’ordre hospitalier des frères de saint Jean de Dieu, né à Grenade en Espagne au 16e siècle.
Un hôpital en mouvement
En achetant le château de Champagneux et les terres qui l’entourent en périphérie de Lyon, les frères se dotent d’un lieu pour accueillir, nourrir et soigner des personnes considérées comme insensées ou aliénées, selon les terminologies de l’époque. A Lyon, l’hôpital de l’Antiquaille, qui est le seul à s’occuper de cette population au début du 19e siècle, est en effet trop petit pour accueillir tous ceux qui ont besoin d’un asile et de soins.
Depuis deux cents ans, sur le site même qui l’a vu naître, l’hôpital poursuit cette mission de prise en charge des personnes concernées par un trouble psychique. Il n’a cessé de se transformer, de se moderniser, de s’agrandir et de créer des antennes sur le territoire environnant pour répondre à un besoin qui évolue et à des modes d’accueil et de soin qui se transforment.
D’une double casquette à un hôpital de Secteur
L’hôpital est à l’origine une maison de santé qui accueille des hommes en capacité de payer leurs frais de séjour, tout en accueillant des nécessiteux sans ressources. En 1838, la loi sur les aliénés est promulguée. Elle impose à chaque département de disposer d’un établissement destiné à soigner les aliénés ou de confier ses malades à des établissements dans des départements voisins. Le Département de la Loire décide alors de passer convention avec l’hôpital Saint Jean de Dieu, afin qu’il endosse le rôle d’asile public pour les hommes de la Loire.
La maison de santé des frères de Saint Jean de Dieu devient dès lors un asile et un projet architectural ambitieux permet, au fil du temps, la création de bâtiments qui se déploient autour du château de Champagneux, ainsi qu’une chapelle qui prend place dans l’axe d’entrée.
Pendant près de 130 ans, les malades accueillis à Saint Jean de Dieu sont répartis selon plusieurs « classes » en fonction du prix qu’ils payent, mais également selon leurs affections physiques et psychiques. De grands dortoirs accueillent ceux qui sont pris en charge par la collectivité, tandis que ceux dont les familles peuvent payer sont logés dans des chambres individuelles. Pendant longtemps, les frais d’hospitalisation constituent les principales recettes de l’établissement. Pour les malades et les religieux, le travail quotidien qui n’est pas ou peu rémunéré participe alors grandement à l’économie de l’institution.
Cette organisation perdure jusqu’à l’après Seconde guerre mondiale (création de la Sécurité sociale) et même jusqu’aux années 1970, période qui voit la sectorisation psychiatrique se mettre progressivement en place. Cette nouvelle politique publique attribue une zone géographique à chaque hôpital psychiatrique. Dès 1972, l’hôpital Saint Jean de Dieu se voit ainsi attribuer le 7e arrondissement de Lyon et le sud du département du Rhône. Les femmes sont désormais prises en charge dans l’hôpital et les malades de la Loire sont progressivement transférés dans un nouvel hôpital que ce département inaugure en 1971. C’est à cette époque que les premières structures extrahospitalières de Saint Jean de Dieu sont créées. Ces dispositifs hors les murs changent en profondeur les modes de prise en charge des personnes concernées par des troubles psychiques.
Un hôpital au cœur de l’histoire
Durant la guerre franco-allemande de 1870 et la Première Guerre mondiale, des services de l’hôpital sont réquisitionnés pour accueillir des soldats blessés. Sous l’Occupation allemande (1940-1944), si l’hôpital de Lyon n’est pas touché par une famine aussi massive que dans d’autres hôpitaux psychiatriques français, il subit le bombardement américain du 26 mai 1944, attaque dont l’objectif est d’empêcher le ravitaillement et les déplacements des Allemands qui occupent la ville. L’avalanche de bombes fait près d’une vingtaine de victimes directes et ouvre l’hôpital à une nouvelle ère de travaux, durant laquelle l’accent est mis sur la modernisation, l’humanisation et le cloisonnement des espaces pour favoriser l’intimité des malades.
L’évolution du personnel et des modes de prise en charge
Le personnel de l’hôpital est longtemps exclusivement masculin. Le corps soignant est secondé par les frères de Saint Jean de Dieu, formés aux soins dès le XIXe siècle et au diplôme d’infirmier d’État dès les années 1920. Dans les années 1950, des femmes entrent dans le personnel : des repasseuses d’abord, puis des assistantes sociales à partir de 1956.
À cette même époque, l’hôpital se transforme et s’ouvre toujours plus sur le monde et la ville. La télévision fait son entrée dans les services dès 1957, l’ergothérapie et des « clubs » sont mis en place avec pour objectifs d’animer le quotidien et faciliter la réinsertion des malades dans la société. L’arrivée des neuroleptiques transforme également en profondeur le soin. Des équipes pluridisciplinaires se mettent en place autour du médecin. L’établissement, qui est pendant longtemps la maison-mère de l’Ordre de Saint Jean de Dieu en France, connait à cette période un tournant laïc alors que le personnel religieux décline au cours du XXe siècle. En 1980, les frères de saint Jean de Dieu quittent les lieux, vendent l’établissement au Département du Rhône qui en confie la gestion à l’Association du Rhône pour l’Hygiène Mentale (ARHM, aujourd’hui Fondation Action Recherche Handicap et santé Mentale).
L’hôpital Saint Jean de Dieu de Lyon continue aujourd’hui son activité d’établissement de santé privé d’intérêt collectif spécialisé en psychiatrie, au service d’une partie de la population du département du Rhône.